Paul Valéry, une mémoire à ranimer sur les hauteurs de Sète

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Sur le mont Saint-Clair à Sète, face à la mer, le musée Paul-Valéry veille sur l’œuvre du poète et sur la ville qui l’a vu naître. Installé juste au-dessus du cimetière marin où repose l’auteur, l’institution joue un rôle essentiel : maintenir vive une mémoire que le temps a tendance à recouvrir d’une fine poussière. Ses expositions comme celles consacrées à Daniel Dezeuze, l’une des figures du mouvement Supports/Surfaces rappellent que Valéry n’est pas seulement un nom de lycée ou une citation apprise en classe. L’exposition Daniel Dezeuze se tient jusqu’au 8 mars 2026.

Comment expliquer qu’un homme célébré jusqu’aux marches du Panthéon semble aujourd’hui oublié des jeunes générations ? À sa mort, en juillet 1945, le général de Gaulle exige des funérailles nationales. Un hommage rare pour un écrivain. Jean Moulin avait dit de Paul Valéry qu’il aurait pu devenir Président : une façon de souligner son autorité intellectuelle et l’aura publique qui était la sienne.

Prince des poètes, penseur polyglotte, dessinateur, lecteur passionné de Léonard de Vinci, Paul Valéry a pourtant perdu, dans la postérité, une part de son éclat. Quelques vers du Cimetière marin, une rue, une rampe, une faculté, et l’on croit connaître l’homme. Le reste s’estompe. Benoît Peeters, écrivain et spécialiste de Valéry, rappelle cette phrase du poète : « La durée des œuvres est celle de leur utilité. Il y a des siècles pendant lesquels Virgile ne sert à rien. » Ironie du sort : elle semble désormais s’appliquer à lui. Les raisons de relire Valéry existent, mais elles ne sont plus évidentes, car son œuvre n’a pas de point d’entrée unique. Pas de roman emblématique, pas de grand récit fédérateur. Une constellation brillante, mais éclatée : poésie, essais, cahiers, conférences, écrits politiques, réflexions sur l’art.

C’est ici que le musée Paul-Valéry joue un rôle déterminant. En reliant l’homme, son œuvre et le territoire, il offre un ancrage. Les expositions temporaires, notamment autour des artistes comme Hervé Di Rosa ou Daniel Dezeuze, ouvrent un dialogue entre création contemporaine et héritage littéraire. Elles rappellent que Paul Valéry est un penseur du regard, de la forme, du mouvement, un écrivain qui parle aux artistes autant qu’aux lecteurs.

« Le vent se lève,
Il faut tenter de vivre »
Le Cimetière marin.

L’esprit de Paul Valéry revient. Les signaux de renaissance se multiplient. Ses réflexions sur l’Europe résonnent avec l’actualité. Sa critique de la vitesse et de la distraction trouve un écho chez les lecteurs contemporains. Ses questions sur la crise de l’esprit frappent juste à l’heure des fake news et de l’IA. Et même le cinéma s’en empare : Miyazaki a fait de Le vent se lève (2013), l’énigme centrale de son film. Sur le mont Saint-Clair, entre la mer immobile et les toiles qui s’accrochent aux murs du musée, Paul Valéry semble dominer l’éternité. Le temps est de nouveau le sien.

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