Vulnérables : la fragilité à découvert à la Pitié-Salpêtrière

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Johan Creten, "La Tempète"2011) devant la Chapelle Saint-Louis – Hôpital Pitié-Salpêtrière (Paris)

La Chapelle Saint-Louis de la Pitié-Salpêtrière accueille « Vulnérables », une exposition manifeste au croisement de l’art contemporain, de l’histoire de la psychiatrie et de la mémoire hospitalière. Une invitation à penser et éprouver la vulnérabilité comme lien essentiel. Jusqu’au 21 septembre 2025.

À la croisée de la médecine, de l’histoire de l’art et de la création plastique contemporaine, l’exposition Vulnérables propose un dialogue entre les murs baroques du XVIIe siècle de la chapelle et des œuvres contemporaines qui explorent les multiples visages de la vulnérabilité. Loin de toute posture décorative, la scénographie conçue par Florence Laneurie transforme le lieu en espace de résonance, où la mémoire des corps enfermés et soignés entre en friction avec des gestes artistiques actuels. Orchestrée par Francine Saillant et David Cohen, l’exposition renverse la perspective : la vulnérabilité n’est plus perçue comme une faille à réparer, mais comme une puissance d’existence, capable de relier, d’émouvoir, de subvertir.

Folie, soin, stigmates : l’art face aux exclusions

Les œuvres réunies abordent frontalement les représentations de la folie, de la maladie, du soin et des stigmates associés à ces conditions. Parmi les artistes présents, plusieurs figures majeures de l’art contemporain et de l’art brut : Jean Dubuffet, dont deux pièces monumentales sont prêtées par la Fondation Renault, Johan Creten, Michel Nedjar, ou encore Jacques Soisson, dont la correspondance avec Dubuffet est exposée. On retrouve aussi des artistes essentiels de l’art brut présents dans les grandes collections internationales, tels que Dan Miller, Shinichi Sawada, Miroslav Tichy, Tomacz Machinski, André Robillard. Ici, l’art brut n’est pas un genre, mais un lieu de résistance. Il rappelle combien la création peut surgir en dehors des normes et révéler une part indicible de l’expérience humaine.

Certaines pièces ont été conçues spécifiquement pour l’exposition ou en lien avec l’histoire de la Salpêtrière. Exorcismes, de Liz Magic Laser, célèbre les 200 ans de la naissance de Jean-Martin Charcot, figure emblématique de la neuropsychiatrie hospitalière. Insoumissions, œuvre collaborative de Francine Saillant et Camille Courier, ausculte la mémoire des lieux asylaires et des existences qui y furent enfermées. Les installations Frères Humains et Fantômes de David Cohen interrogent le rapport à la mort, dans une méditation sensible sur la vulnérabilité comme fondement commun.

Parmi les propositions les plus puissantes, RÉESPIRATION de Samuel Bianchini déploie une œuvre immersive et interactive autour du souffle, conçue comme un objet sensible et collectif. Un dispositif robotisé recouvert de broderie se déforme lentement au rythme respiratoire du spectateur, capté en temps réel via des capteurs thermiques et lidar. L’œuvre, enveloppée dans une parabole acoustique, amplifie sons et lumières pour créer une atmosphère contemplative, où l’on ressent littéralement le souffle partagé. Produit avec des pneumologues, des chercheurs et des musiciens, RÉESPIRATION incarne une approche poétique et technologique du soin : une tentative de synchronisation empathique, où l’art rejoint la médecine pour créer une expérience de réparation symbolique.

Soutenue par l’Alliance Sorbonne Université dans le cadre du programme SOUND – pour un nouvel engagement, financé par l’ANR au titre de France 2030, cette exposition croise recherche, création et action publique. Une démarche exemplaire, à un moment où la société a besoin d’art pour repenser ses liens et ses seuils d’humanité.

Exposition “Vulnérables”
Chapelle Saint-Louis – Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris 13e
Jusqu’au 21 septembre 2025
Entrée libre