Longtemps perçu uniquement à travers le prisme médical, le TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyper-activité) est aujourd’hui revendiqué par certains artistes comme une ressource. Dans l’univers de la peinture et des arts visuels, il apparaît de plus en plus comme un prisme créatif singulier.
Jennifer White-Johnson, une pratique militante envers le trouble TDAH
Artiste et activiste américaine, Jennifer White-Johnson a choisi de rendre visible sa neuro-diversité à travers son travail. Photographe, graphiste et enseignante, elle décrit le TDAH non pas comme un frein mais comme une énergie particulière : une attention mobile, une capacité à faire dialoguer des fragments visuels disparates. Ses œuvres questionnent les représentations du handicap, en particulier dans les communautés noires et latines, et s’imposent comme un manifeste esthétique et politique.
Des maîtres turbulents : une lecture contemporaine
Si les diagnostics n’existaient pas à l’époque, plusieurs historiens de l’art avancent que des figures comme Léonard de Vinci, Vincent van Gogh ou Pablo Picasso auraient présenté des traits proches du TDAH.
Van Gogh, dans une lettre à son frère Théo, confiait :
« J’ai une fureur de travail plus grande que jamais, et pourtant je sens toujours l’impuissance de faire ce que je voudrais. »
Cette tension entre énergie débordante et frustration de ne jamais suffire rappelle les vécus actuels des artistes TDAH.
Picasso, pour sa part, revendiquait une impossibilité à se fixer :
« Je ne cherche pas, je trouve. »
Une formule qui traduit bien la spontanéité, l’impulsion créative immédiate, sans plan préétabli – un mode de fonctionnement familier à beaucoup de personnes TDAH.
Quant à Léonard de Vinci, dont l’inachèvement des projets intrigue encore, il écrivait :
« L’art n’est jamais achevé, seulement abandonné. »
Cette incapacité à clore, à passer sans cesse d’une idée à l’autre, illustre cette agitation féconde qu’on associe aujourd’hui à la pensée divergente. Une propension à la dispersion et à la procrastination qui commence, d’après les écrits de Giorgio Vasari (1511-1574), dès l’enfance et se poursuit tout au long de sa vie.
Une reconnaissance progressive dans le monde de l’art contemporain
Au-delà des cas individuels, la question du TDAH s’inscrit dans un mouvement plus large : celui de la reconnaissance de la neuro-diversité dans les arts. De plus en plus d’institutions, musées ou galeries s’intéressent aux parcours d’artistes neuro-atypiques, non pas par compassion mais par souci de montrer combien ces différences enrichissent le paysage culturel. Le philosophe et sociologue David Le Breton rappelle que « la fragilité peut être un vecteur de création ». Dans le cas des artistes TDAH, la dispersion et l’hyper-activité deviennent des moteurs d’exploration, ouvrant de nouvelles voies plastiques. En art, sortir du cadre est une nécessité. Les artistes TDAH le font parfois sans le vouloir, par nature. Ils expérimentent, bifurquent, empilent, superposent. Là où d’autres voient une difficulté à se concentrer, eux trouvent un langage singulier. Leur parcours montre que la différence n’est pas un handicap dans la création : elle en est souvent l’étincelle.