« Appartenir à plusieurs histoires », voici ce qui réunit Le Clézio (né en 1940), prix Nobel de littérature, et l’artiste français d’origine haïtienne, Hervé Télémaque (né en 1937) dans une invitation à un voyage poétique au musée du Louvre, du 3 novembre au 6 février. Les deux hommes ont en commun de penser leur héritage et d’inventer leur destinée, d’« être d’ici et d’ailleurs ». Le Clézio par l’écriture, Télémaque par ses collages et tableaux-reliefs. L’exposition met à l’honneur la « chauve-souris » (1994), figuration de la baie de Port-au-Prince, la ville natale du peintre. Découpes de contre-plaqué assemblées par vis, colle et serre-joint, teintées au marc de café, allusion à l’esclavage et à sa noirceur. D’une seule voix, Le Clézio et Télémaque, reviennent sur ces « Révolutions », créatrices de chaos et de résistances, de la Révolution française à la colonisation.
Après Umberto Ecco et Patrice Chéreau, Jean-Marie Gustave Le Clézio affronte au Louvre la pluralité des civilisations. Pour sa carte blanche, il a conçu ce qu’il appelle un « pas de côté », une exposition qui renoue avec la notion de cabinet de curiosités. Fresques historiques, gravures révolutionnaires, nattes du Vanuatu, ex-voto mexicains, objets ethnographiques, un dessin de Jean-Michel Basquiat… Quatre murs, chacun dédié à une zone géographique : L’Afrique, Le Mexique, Vanuatu (Océanie) et Haïti. Hervé Télémaque a notamment prêté deux objets rituels vaudous haïtiens de sa collection personnelle : un asson, sorte de hochet, insigne des prêtres permettant d’appeler les esprits lors de rituels vaudous, et un paquet congo, figurine aidant à conjurer le mauvais sort.
JMG Le clézio, l’auteur du « Rêve mexicain », de « Désert », et de « L’Africain », a établi une cartographie littéraire, à l’image de ses engagements et de ses pérégrinations. Parti partagé la vie des Indiens Embera au Panama, il s’est épris du Mexique, a planté sa tente dans les régions rurales du Yucatán et du Michoacán, a retrouvé les traces de ses aïeux sur l’île Maurice, et s’est installé aux Etats-Unis, dans l’Etat du Nouveau-Mexique. Parallèlement, Hervé Télémaque a quitté Haïti pour New York, qu’il finit par fuir en raison du racisme ambiant. En 1961, il s’installe à Paris. Le peintre voyage dans une douzaine de pays en Afrique dont il rapporte images et souvenirs restitués dans la série des « Trottoirs d’Afrique ».
A partir des fragments dissonants de leur personnalité, Le Clézio et Télémaque, tous deux en véritables anartistes, ont su imaginer, construire et forger un univers à leur image… « Sois le sculpteur de ta propre statue; enlève, gratte, poli, essuie jusqu’à dégager de belles lignes dans le marbre, redresse ce qui est oblique, nettoie ce qui est sombre pour le rendre brillant. » Plotin (205-270)
Photo : Despatin / Gobeli Copyright galerie Louis Carré & Cie
➢ Hervé Télémaque expose « La Canopée », galerie Louis Carré & Cie, 10 avenue de Messine 75008 Paris, du 9 septembre au 8 octobre.
J’adore Le Clézio, je suis fan de Télémaque… quelle bonne idée de les avoir réuni; Merci Marie-Laure Bernadac !
Petite citation au passage… « L’artiste est celui qui nous montre du doigt une parcelle du monde. » J.M.G. Le Clézio, L’extase matérielle
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