Diego, un SDF de 54 ans, vit depuis 12 ans le long du périphérique, Porte Maillot. Chaque jour, il réjouit les automobilistes en dévoilant son univers ordonné et dérisoire à ciel ouvert. Le jour de Noël, je suis allée lui rendre visite. Son skieur vautré dans un transat, avec ses lunettes de soleil sur le nez, ses skis aux pieds et sa combinaison bleu pétrole, est connu des milliers de conducteurs qui le frôlent quotidiennement. Très fréquemment, un coup de klaxon salue l’artiste qui vit à quelques mètres dans son abri de fortune.
Autour de lui, un amoncellement d’objets hétéroclites, disposés avec humour et imagination. Une caverne d’Ali-Baba faite de vieux vélos suspendus et illuminés, de tables, chaises, vases et autres peluches qui, tous, ont une vie et une signification particulières. Un univers si personnel que les journalistes viennent régulièrement le prendre en photo en douce, les derniers étant une équipe de France 3 en décembre. Tout cela semble être un chaos. Mais du chaos naît l’émotion. « En redonnant une seconde vie à ces objets de rebus, je crée la vie. Les jouets, c’est pour faire sourire les enfants qui passent en bus », explique-t-il.
Avant de devenir SDF, Diego exerçait la profession de « voleur », comme il le dit lui même. Mais pas n’importe quels vols ! Uniquement des objets d’art, ce qui lui a valu plusieurs séjours en prison. Depuis, refusant le système, il vit dehors, entouré de ses objets chinés dans les poubelles du quartier. « Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblée », avait énoncé le peintre Maurice Denis. L’art se définit ainsi : un certain ordre assemblé… C’est toute la différence entre le néant de la Demeure du Chaos de Thierry Ehrmann et la jubilation de celle de Diego !
Enfin un sdf créatif et heureux !
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