La numérisation est une chance pour une œuvre qui peut ainsi livrer ses secrets de fabrication, révéler sa structure et des détails essentiels à sa compréhension. La startup suisse Artmyn, spécialisée dans la numérisation d’œuvres d’art, ESI (transporteur d’art) et le Clic France (Club Innovation & Culture) se sont unis en plein coeur de la crise sanitaire, pour lancer un défi aux musées français et offrir à six musées la production de contenus digitaux innovants. Parmi les pépites ayant bénéficié de cette mise en lumière, « La Maladie d’Antiochus » (1840), de Jean-Auguste Ingres, conservé au Musée Condé au Domaine de Chantilly.
Le double numérique de « La Maladie d’Antiochus » aura nécessité plus de 26 000 clichés en haute définition. « En créant des jumeaux numériques, on permet aux tableaux de quitter leurs cimaises pour aller à la rencontre de nouveaux publics, tandis qu’en montrant la texture, les coups de pinceaux, les repentirs et les gestes des artistes, on peut ouvrir le champ de la médiation culturelle », affirme Grégoire Debuire, directeur du développement de la société suisse Artmyn, qui a mis au point un scanner équipé de l’infrarouge, un mode de visualisation unique permettant de révéler les sous-couches d’un tableaux.
Quel est donc ce mal qui ronge Anthiochus, fils de Séleucus, roi de Syrie ? Sur le tableau de Jean-Dominique Ingres, en pleine lumière, figée dans une attitude songeuse, une jeune femme regarde songeuse un Sphinx représenté sur le pavement. Dans l’ombre, un homme debout derrière le lit, s’incline vers le personnage central, allongé, sa main sur son cœur. Il souffre. Ce dernier est en effet très pâle. Le sujet est extrait de la vie de Démétrius de Plutarque. Verdict du médecin : le malade est atteint au coeur, il est amoureux ! La numérisation rend encore plus éclatante la scène et de nombreux détails comme cet élément de mobilier, un brûle-parfum au pied du lit dont l’évanescence de la fumée semble gagner l’univers olympien des immortels.
Ingres reçoit en 1834 cette commande importante du duc Ferdinand d’Orléans, fils aîné du roi Louis-Philippe, frère du duc d’Aumale et grand mécène. Le peintre rassemble alors un corpus de plus de 1 500 relevés graphiques pour alimenter et construire un langage pictural qu’il souhaite « assez neuf », formant ainsi sa main et son œil au prix d’une copie laborieuse à la recherche d’automatismes. Le 10 avril 1839, alors qu’il est directeur de l’Académie de France à Rome, Ingres emprunte à la bibliothèque de la villa Médicis l’ouvrage de Visconti Iconographie ancienne, qui consacre un chapitre aux Séleucides, rois de Syrie. Ingres livre l’œuvre en 1840. Le prince se montre satisfait et va même jusqu’à doubler ses honoraires. Le duc d’Orléans écrit aussitôt à Ingres pour lui demander de réaliser son portrait, celui-ci est aujourd’hui conservé au musée du Louvre.
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