Christine Lucchini, l’étrangeté en apesanteur

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À la galerie-atelier Pozor, l’univers pictural de Christine Lucchini s’impose d’emblée par son mystère. Dans un camaïeu de bleus profonds, ses personnages semblent flotter entre rêve et vertige, dans un monde suspendu où le réel se fissure. L’artiste déploie un imaginaire surréaliste d’une précision presque clinique, où chaque détail – ailes, insectes, feuillages ou créatures hybrides – participe d’un langage symbolique qu’elle maîtrise avec une rigueur d’orfèvre. Jusqu’au 29 novembre.

©Christine Lucchini, Jusque là tout va bien – – Looking for the danger (2025 )

La toile de Christine Lucchini intitulée Au midi de la fête (2025) montre une silhouette inversée, au visage remplacé par un cylindre d’où s’échappent des abeilles. La scène, à la fois poétique et dérangeante, évoque l’absurdité d’un monde où l’humain perd son centre et libère malgré lui la nature qu’il contenait.

Dans Jusque-là tout va bien (2025), un oiseau gigantesque, constellé d’yeux et de plumes, traverse le ciel, portant sur son dos une figure minuscule. La peinture, d’une finesse lumineuse, convoque à la fois Jérôme Bosch et Leonora Carrington : un bestiaire fantastique, dense, à la frontière du cauchemar et du merveilleux.

Christine Lucchini ne cherche pas à illustrer le surréalisme, elle le réinvente dans un langage visuel contemporain, nourri d’une observation aiguë du monde intérieur. Ses compositions sont équilibrées, ses textures soignées, ses dégradés subtils. Rien n’est laissé au hasard : l’étrangeté se construit dans la maîtrise. Ce contraste entre le geste sûr et le trouble du sens donne à ses toiles une tension magnétique.

À travers ce travail, la peintre semble explorer la fragilité des repères humains, la porosité entre rêve et lucidité. Les êtres de Christine Lucchini, mi-hommes, mi-symboles, flottent dans un espace sans gravité, comme dans un moment suspendu avant la chute.

L’exposition collective à la galerie-atelier Pozor à Paris, qui présente également les toiles de Anne Van Der Linden et de Muzo, confirme la singularité de cette œuvre : un surréalisme renouvelé, où l’on sent le souffle d’un imaginaire archaïque et visionnaire. Dans le silence bleuté de ses tableaux, l’inquiétude se fait beauté, et la peinture retrouve ce qu’elle a de plus rare aujourd’hui : le pouvoir d’envoûtement.

Antonella Eco

INFOS PRATIQUES
Exposition « Univers évadés »
Galerie-Atelier Pozor
7, rue Choron Paris 75009
Du 30 octobre au 29 novembre