Le Louvre a accueilli Kader Attia le 3 avril 2025 pour une performance singulière : une lecture intime, presque confidentielle, au cœur de l’institution muséale. L’artiste franco-algérien, né en 1970, y a déroulé le fil d’une mémoire personnelle ancrée entre Garges-lès-Gonesse (Val-d’Oise) et l’Algérie, livrant un récit fragmenté, habité de silences, de blessures et de résistances.
À travers ses mots, Kader Attia ne se raconte pas seulement : il questionne. L’identité, la transmission, les frontières visibles et invisibles. Il explore cet entre-deux — entre le conscient et l’inconscient, entre les cultures, les langues, les corps et les récits — qui forme la matrice de sa création. Depuis plus d’une décennie, l’artiste développe une réflexion singulière sur la réparation, notion qu’il étend bien au-delà du champ médical ou matériel. Il y voit une constante anthropologique, une réponse humaine aux blessures — coloniales, identitaires, culturelles — que les sociétés tentent de penser ou de panser. La performance du Louvre, tout en retenue, fait résonner cette obsession dans un lieu chargé d’histoire, et de symboles. Car que peut-on réparer dans un musée, si ce n’est le regard ?
Fondateur en 2016 de La Colonie, espace aujourd’hui fermé, Kader Attia continue de porter la parole d’un décloisonnement des savoirs. Sa démarche transdisciplinaire, transculturelle et trans-générationnelle fait du lieu artistique un espace d’agora — aujourd’hui nomade — où les héritages abîmés peuvent être pensés à nouveaux frais. Son travail appelle à une décolonisation des esprits : pas seulement de l’histoire, mais des récits que nous en faisons.
Lors de la « performance » au Louvre, Kader Attia a évoqué l’état d’esprit créatif, celui qui surgit tard dans la nuit à l’atelier, quand l’erreur devient matière. Il parle de ces traces, déposées là par des milliards d’êtres humains avant nous, et qui nous traversent. La création, pour Attia, est une zone liminale, un lieu où le sensible précède le visible, où l’œuvre est déjà là avant d’être faite. C’est un mouvement de désaxement — un décalage — nécessaire pour voir autrement, penser autrement.