Duy Anh Nhan Duc, la poésie du souffle s’élève dans Échappées

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Duy Anh Nhan Duc, Le Parloir des souhaits (2021) © Isabelle Chapuis

Dans « Échappées », l’exposition imaginée par l’artiste Alëxone Dizac pour la Fondation Desperados à la Poste Rodier, dans le 9e arrondissement de Paris, chaque œuvre semble raconter un fragment d’histoire. Celle de Duy Anh Nhan Duc parle bas. Elle ne revendique rien, n’envahit pas le mur. Au cœur du tumulte urbain, Le Parloir des souhaits (2021) se dresse comme un sanctuaire de lumière, un abri pour le souffle et le silence. Jusqu’au 30 novembre.

Une structure hexagonale de verre et de bois, Le Parloir des souhaits semble sorti d’un rêve d’enfance. À l’intérieur, des milliers d’aigrettes de pissenlits, de chardons, de salsifis ou d’artichauts reposent dans une lumière dorée. En actionnant une manivelle, le visiteur déclenche un souffle d’air : les graines s’élèvent, tournoient, se dispersent. Ce ballet lent et fragile évoque les vœux qu’on confiait au vent, enfants, en soufflant sur un pissenlit.

Entre la cabane et la serre, cette œuvre de 3,65 m de haut invite à une expérience intime, presque rituelle. Le son léger du vent, le frémissement des graines, la lumière filtrée par les anciennes fenêtres créent une atmosphère de recueillement. Le Parloir des souhaits n’impose rien : il propose une écoute. Il parle du souffle, du passage, de la mémoire des gestes simples.

Souffler, c’est semer

Né en 1983 dans le sud Vietnam, Duy Anh Nhan Duc se définit comme un « plasticien du végétal ». Depuis plus de quinze ans, il cueille dans les interstices urbains ce que la ville laisse pousser : pissenlits, trèfles, pavots, chardons. Ses herbiers deviennent sculptures, installations ou fresques. Chaque brin d’herbe est un fragment de mémoire, chaque aigrette une phrase de son vocabulaire intime. Sa pratique se situe entre soin et rituel. « Je dois travailler avec du vivant », confie-t-il souvent. Cueillir, observer, assembler : des gestes patients qui, sous ses mains, redonnent au végétal un langage et une dignité. L’artiste s’attache à ce que l’on ne voit plus : la beauté de l’infime, la poésie du minuscule, la persistance du fragile.

Cette attention au détail lui a valu une reconnaissance singulière. En 2021, le musée Guimet lui a offert une carte blanche pour une première version du Parloir des souhaits. Il a depuis collaboré avec la maison Dior dans le cadre du projet Lady Art, mêlant feuilles d’or et graines de pissenlit. En 2024, il a été choisi pour concevoir une œuvre pérenne à la future gare du Grand Paris Express, à La Courneuve (Seine-Saint-Denis): un hommage au végétal dans le tissu bétonné. Elle sera inaugurée en 2026.

La manivelle que le visiteur tourne évoque un geste d’ancienne machinerie, une prière mécanique. Les aigrettes se mettent à flotter, formant une nuée de poussières dorées. C’est un moment de suspension, une méditation sur la fragilité du vivant et la permanence du souffle. Chaque mouvement d’air devient métaphore de la pensée : les idées comme les graines, volatiles et fécondes. « Les herbes sauvages sont résilientes, elles s’adaptent, elles reviennent toujours », dit-il.

Dans « Échappées », exposition collective dédiée à l’essence narrative de l’art urbain et présentant une douzaine d’artistes, Le Parloir des souhaits occupe une place à part. Son œuvre agit comme un contre-champ poétique au bruit du monde. Ainsi, l’« échappée » que Duy Anh Nhan Duc propose est intérieure. C’est une invitation à ralentir, à regarder de près, à réapprendre la légèreté. Dans une exposition qui célèbre la pluralité des voix de l’art d’aujourd’hui, soutenue par la Fondation Desperados, son installation en devient la respiration : un battement d’aile dans un paysage bruyant.

> www.duyanhnhanduc.com

 

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