La jeune garde de la scène artistique numérique française est réunie jusqu’au 30 décembre à l’école du Fresnoy à Tourcoing (Nord). Parmi la trentaine d’étudiants et artistes invités à participer à la 20e édition de « Panorama », rendez-vous annuel du studio des arts contemporains, mon regard s’est niché dans l’antre du « Cénotaphe » de Thomas Garnier, une machine infernale qui tisse ses lignes avec justesse.
Bauhaus des arts numériques, le Fresnoy est dirigé par l’artiste et écrivain Alain Fleischer depuis sa création en 1997.Sa vocation est de décloisonner les enseignements et ouvrir des brèches vers un nouvelle créativité. C’est à José-Manuel Gonçalvès, directeur du CentQuatre à Paris, qu’a été confiée la direction artistique de Panorama #20. Sous la grande nef de l’ancien hangar industriel restauré par l’architecte Bernard Tschumi, les œuvres complexes mêlent photographies, images cinématographiques et jeu vidéo. Elles ont pour point commun une résonance formelle avec les enjeux actuels d’une mémoire à la dérive et un environnement saturé d’images.
Parmi les installations, le « Cénotaphe » de Thomas Garnier crée la surprise. Les lignes s’activent, et un crissement régulier se fait entendre. L’ensemble illustre le songe d’un urbanisme qui assemble et désassemble en continu des éléments sculpturaux en béton gris. L’ogre mécanique digère les erreurs, broie l’incertitude, emmène dans son sillage la tête pensante. « C’est la rencontre d’une illusion et d’un flux », explique l’artiste de 27 ans, héraut d’un romantisme post-digital. Un système vidéo filme en temps réel l’intérieur de la construction et recompose le travelling. « Il faut imaginer Sisyphe heureux », avait déclaré Camus. A la sortie, le spectateur dérouté rejoue son expérience en noir et blanc à la merci d’un sentiment fantomatique, mais heureux.