Finalisée dans l’intimité de son atelier à Villejuif pendant le confinement, l’oeuvre « À façon, l’heure » d’Hervé Télémaque est présentée à la Galerie Municipale d’Arcueil, dans le cadre d’une exposition dialogue avec Olivier Peyronnet, du 25 septembre au 24 octobre 2020.
Comment saisir la mesure du temps ? À façon, l’heure (2020) est la tentative d’Hervé Télémaque de construire le châssis d’une mémoire heureuse. « L’horloge est là pour faire le tour des choses », confie l’artiste, insistant sur ce violet fluent qui échappe au religieux, tendant vers un vieux rose, tendre et chanceux. Le relief se tient à la verticale, debout, présent en acte dans l’espace, véritable pièce d’harmonie où les morceaux de contreplaqué assemblés, nourris de pigments et de marc de café sont dotés de rondeurs, comme pour noyer le contour des occurrences.
Cadrans et aiguilles structurent le paysage mémoriel qui prend forme avec ses dénivelés. Mais ici, le temps ne peut se confondre avec la vitesse ou le vieillissement. Ne serait-ce pas plutôt la succession des événements qui remplissent l’histoire et que racontent les historiens ? Le cofondateur de la Figuration narrative en vient au récit. « Quelque chose de fatidique s’y exprime », poursuit le narrateur, maître des tensions aiguës et des attentions lucides. Une similitude s’observe avec L’Armoire rose, œuvre de1973 qui met en scène un coffre rempli d’une force de vie d’où jaillissent des objets à la tonalité jaune sur fond d’un rose clair. « Dans cette composition, il y a le secret du corps, les choses du passé, les souvenirs dont on n’ose se défaire », se souvient l’artiste. Cinquante ans plus tard, l’abstraction domine.
« Le marc de café est une nuit », expliquait Hervé Télémaque pour parler de ses « objets maigres » imprégnés de la poudre sombre. Après un séjour à Haïti, son pays natal, une nouvelle élocution était alors apparu dans son travail, plus introspective : imprégnation des lieux de son enfance, magie des atmosphères de rue, sonorité refoulée de la mélodie profonde et métallique du tam-tam. Dans À façon, l’heure, le marc de café a une présence centrale et aussi ponctuelle, comme une occasion enchantée de féconder le hasard et de le rendre opérant.
« Le temps est mutation », affirme Jankélévitch dans Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien. « La lueur timide et fugitive, l’instant-éclair, le silence, les signes évasifs, c’est sous cette forme que choisissent de se faire connaître les choses les plus importantes de la vie. » À l’instar du philosophe, Hervé Télémaque façonne un devenir intangible, entre être et non être, dans une polyrythmie avec ses strates émotionnelles, les moments inspirés ou arides, la conscience en verve ou aux aguets, les saillies d’une éternité.