Les « muses » sont, dans la mythologie grecque, les neuf filles que Zeus et Mnémosyne, la déesse de la mémoire, ont eu à la suite de neuf nuits passées ensemble. Elles sont les compagnes d’Apollon et des Grâces avec qui ces chanteuses divines forment des choeurs. Leur nom vient du grec « mousa », qui signifie « s’exalter ». Elles sont les médiatrices entre les dieux et les artistes et sont donc censées apporter l’inspiration divine. Chacune symbolise un art. Il s’agit de Clio (Histoire), Euterpe (musique), Thalie (comédie), Melpomène (tragédie), Terpsichore (danse), Erato (art lyrique), Polymnie (rhétorique), Uranie (astronomie) et Calliope (poésie).
Kiki de Montparnasse (1901-1953), chanteuse, muse de Man Ray
Des ouïes de violon dessinées au creux des reins, un turban oriental rappelant celui des Baigneuses d’Ingres… Cette jeune femme vue de dos, c’est « Violon d’Ingres » (1924), sans doute la photographie la plus célèbre de Man Ray. Son modèle n’est autre que sa maîtresse et sa muse, Alice Ernestine Prin, une jeune chanteuse de cabaret de Montparnasse âgée de 23 ans, aux moeurs légères, qu’il trouve « irréprochable de la tête aux pieds ». Et pourtant ! D’après le peintre-photographe surréaliste, « Kiki » a longtemps refusé de poser pour lui alors que sa coupe à la garçonne et ses yeux soulignés de khôl en font le modèle de nombreux artistes comme les peintres Soutine, Modigliani ou Foujita. « Un photographe n’enregistre que la réalité », disait-elle. « Pas moi !, lui aurait répondu Man Ray. Je photographie comme je peins. » Leur liaison passionnelle orageuse ne durera pas. « Kiki » s’enfonce peu à peu dans la dépression, l’alcool et la drogue. Elle se suicide à 52 ans.
Lydia Delectorskay (1910-1998), muse et modèle d’Henri Matisse
« Dès la première séance, à chaque nouveau modèle, Matisse faisait essayer plusieurs robes de sa réserve, écrit Lydia Delectorskaya dans son livre Contre vents et marées. Ses critères d’inspiration étaient la vie intérieure du modèle, un esprit éveillé et la parure. » C’est en octobre 1932 que cette jeune exilée russe, alors âgée de 22 ans, entre au service du célèbre peintre Henri Matisse, de 41 ans son aîné. Alors qu’il préfère les femmes de type méditerranéen, il fait poser cette jolie blonde aux yeux bleus et à la plastique parfaite pour sa fresque « La Danse ». Elle deviendra vite son modèle favori, présente dans plus de 90 tableaux et des centaines de dessins entre 1934 et 1939. « Les Yeux bleus » (1935), ce sont les siens. Derrière le « Grand nu couché » (1935) – qui eut 24 états successifs !- toujours elle ! Cette femme au destin hors du commun, à la fois secrétaire et muse, lui fut dévouée jusqu’au décès du peintre en 1954. Fille unique d’un médecin russe, orpheline à 12 ans, arrivée en France en 1928, elle n’aura de cesse de rendre hommage au maître de la peinture fauve. Elle lui consacrera deux ouvrages et fera don, à la fin de sa vie, aux musées russes de Moscou et de Saint-Petersbourg de toutes les œuvres de Matisse en sa possession.
Isadora Duncan (1877-1927), danseuse, muse de Bourdelle
Lorsque le Théâtre des Champs-Élysées à Paris est inauguré en 1913, Isadora Duncan, danseuse américaine de 36 ans, est au faite de sa gloire. Le sculpteur Antoine Bourdelle, qui a alors 52 ans, est obsédé par sa grâce et son naturel depuis sa rencontre avec elle en 1909. Il a gravé son portrait dans les bas-reliefs situés au-dessus de l’entrée. « Lorsque la grande Isadora Duncan a dansé pour la première fois devant moi, trente ans de ma vie regardaient tous les grands chefs-d’œuvre humains s’animer soudain dans ses plans ordonnés du dedans par tout l’élan de l’âme », écrira-t-il plus tard. Il lui consacrera des centaines de dessins et de sculptures. Qui est cette femme à qui l’on attribue les bases de la danse moderne et qui a inspiré tant d’artistes de son époque ? Née en 1877 à San Francisco, elle quitte sa famille à 22 ans pour venir à Paris où elle crée sa propre école de danse. Son style, anticonformiste, séduit. Vêtue de tuniques grecques, pieds nus, elle invente l’improvisation chorégraphique. Mais sa vie se termine de façon tragique à 50 ans : elle est étranglée par son écharpe, prise dans les roues d’une automobile.