Maxime Verdier fait partie des 30 artistes exposés à Drawing Factory, 11 avenue Mac Mahon à Paris. Un ancien hôtel situé dans le 17e arrondissement : 5 étages, 1500 m² d’espace de création, 30 ateliers et 6 mois de visibilité pour les artistes jusqu’au 20 septembre 2021.
La pratique du dessin a toujours été fondamentale dans la production artistique de Maxime Verdier. Dessiner lui a permis d’étudier les multiples possibles qui jalonnent sa vie, en révélant le potentiel caché de ses souvenirs et rêves, tout en donnant forme à la nature insondable et énigmatique des objets qui l’entourent. Il voit le dessin comme un guide et un explorateur, il trace les cartes de ce qu’il est et lui offre une multitude d’espaces à découvrir.
Propos recueillis par Cassandra Michel
Quel a été votre itinéraire jusqu’à présent, et jusqu’à cet atelier à Drawing Factory ?
Né en Normandie, à Dieppe, le 16 octobre 1991. Après mon bac Littéraire, j’ai intégré les Beaux-Arts de Rouen où j’ai obtenu mon diplôme pour ensuite intégrer en cours d’études les Beaux-Arts de Paris où j’ai obtenu mon diplôme national supérieur d’arts plastiques en 2017. Je suis professeur au sein de la Nouvelle Académie des amateurs des Beaux-Arts de Paris où je dirige le cours « Faire paysage au-delà du décor ». Dans ma pratique artistique, j’ai toujours envisagé le quotidien comme un portail vers le surnaturel, un lieu où l’impossible devenait possible et où le « pourquoi pas » avait sa place. Pour cela, je puise mes anecdotes, dans un réservoir où s’entremêlent rêves, cauchemars, sensations, ou encore souvenirs.
Ces fragments d’histoires sont la matière première de mon processus créatif, que je viens ensuite remodeler, reformater et déployer dans des dispositifs qui se proposent de donner à voir l’immanence magique du monde. À travers la peinture, le dessin, la sculpture et l’installation, je mets en forme un monde chimérique et poétique peuplé de créatures oniriques, d’objets banals qui prennent vie et de monstres cauchemardesques.
Quel est votre médium préféré ? Le dessin ?
Je pense qu’il y a vraiment deux médiums que je préfère et chacun pour des raisons très différentes. Dans un premier temps, le medium sculptural m’intéresse beaucoup car il m’offre un réservoir de possibilités extrêmement diverses. Quand je fais de la sculpture, j’ai vraiment cette impression d’être comme un savant-fou dans un laboratoire où je peux jouer avec le monde qui m’entoure en lui offrant de nouvelles potentialités pour exprimer cet « au-delà » de mon quotidien. Ce que j’aime aussi avec la sculpture, c’est ce rapport très physique à l’œuvre, on tourne autour, on construit quelque chose sous tous les angles, on teste des matières entre-elles, on observe leurs résistances.
Dans un second temps, le medium du dessin a aussi une place très importante. Dessiner m’a permis d’étudier les multiples possibles qui jalonnent ma vie, en révélant le potentiel caché de mes souvenirs et rêves, tout en donnant forme à la nature insondable et énigmatique des objets qui m’entourent. Je vois le dessin comme un guide et un explorateur, il trace les cartes de ce que je suis et m’offrent une multitude d’espaces à découvrir.
Comment naissent vos projets ? Quel est votre processus créatif ?
La genèse de chacun de mes projets débute le plus souvent à partir d’une anecdote ou d’un souvenir qui rapporte en lui son lot de sentiments, de contrariétés, de sensations, de doutes existentiels. Cette matière biographique devient ensuite un support que je viens métamorphoser, en grattant son vernis pour y faire apparaitre des images étranges ou refoulés à travers des croquis ou des textes. Cette manière de préparer un projet, me permet d’avoir une certaine liberté pour pouvoir jouer avec les choses, en insérant de nouveaux éléments ou en en supprimant si besoin pendant l’acte de création, il me permet aussi de ne pas avoir l’impression de suivre une série de tâches mais plutôt de me laisser aller à la surprise.
Le quotidien semble nourrir votre travail…
Les choses qui m’inspirent le plus dans mon travail sont des petits moments de tous les jours, des souvenirs, des instants. Avec ces éléments, j’invente des histoires, j’injecte de la fiction car c’est une manière pour moi de faire émerger du magique dans le banal, d’offrir à ces petites histoires des potentialités nouvelles, quelque chose qui va plus loin que ce qu’elles peuvent sembler offrir au premier regard. Je me sens très proche de cette phrase de William Blake qui dit : « Je voudrais voir le monde dans un grain de sable, Et le paradis dans une fleur sauvage. Tenir l’infini dans la paume de ma main Et voir l’éternité durer une heure. » parce qu’il exprime très bien ce que je recherche dans mes images, ce qui peut émerger ou fleurir en arrière-plan de quelque chose, grâce à la pensée et à l’imaginaire. « L’art c’est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art » a dit Robert Filliou, et j’aime beaucoup cette manière de concevoir les choses, c’est-à-dire de ne pas voir l’art comme une finalité mais plutôt comme un moyen de transformer à travers lui notre rapport au monde, notre manière d’interagir et de le concevoir
Dans quelle mesure la Drawing Factory vous a-t-elle aidé dans vos travaux ?
Je travaille ici des dessins grand format à la Drawing Factory sur le thème de la forêt car c’est un lieu très important pour moi qui m’a toujours semblé empli de fabuleuses merveilles, mais duquel peut aussi jaillir en son sein des mystères et des peurs abyssales. La Drawing Factory est ma première résidence artistique, et j’ai pu y rencontrer des artistes avec des pratiques très diverses et fascinantes. C’est une vraie chance pour moi d’évoluer dans un cadre avec autant d’émulsion et de créativité, mais aussi de se sentir appuyer et pousser par les équipes du Drawing Lab dans nos projets. Je pense que cette résidence m’apporte beaucoup dans ma pratique du dessin, elle me permet de dépasser les limites que je pouvais avoir dans ce médium, à la fois en terme technique, en termes de format mais aussi dans ma manière de penser le dessin et c’est extrêmement gratifiant.
Et pour terminer, auriez-vous une anecdote concernant votre travail dont vous pourriez nous faire part ?
Dans ma sculpture « les dindes de l’âmer », celle-ci était composée d’une fontaine remplie de bière, sauf que je ne pensais pas que ça mousserait autant quand la bière s’écoulerait. Du coup lors de mon diplôme, des gros nuages de mousses tombaient littéralement par terre. C’était encore mieux que ce que j’avais pu espérer.