Gérard Traquandi à la Friche de l’Escalette : dialogue poétique avec l’architecture

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À Marseille, nichée entre mer et falaise, la Friche de l’Escalette ne ressemble à aucun autre lieu d’exposition. L’artiste Gérard Traquandi y invertit l’ancienne fonderie de plomb avec une série de toiles sur le thème du cycle du jour. Du 2 juillet au 31 août.

Fondée en 2016 par le galeriste et collectionneur Éric Touchaleaume, cette ancienne usine métallurgique a été sauvée de l’abandon pour renaître en galerie en plein air. Touchaleaume, déjà connu à Paris pour la Galerie 54 et son travail de redécouverte du design du XXe siècle, y a imaginé un espace singulier où les œuvres dialoguent avec le paysage, les ruines et l’architecture industrielle. Chaque été, le site s’ouvre au public sur réservation, et propose un parcours entre art, mobilier moderniste et vestiges historiques.

Dans un décor naturel à couper le souffle, il faut d’abord s’aventurer jusqu’à l’extrême sud de Marseille, franchir la route escarpée qui mène aux Goudes, puis s’engager dans une impasse que protège un simple portail de bois. Là, lovée à l’orée du Parc national des Calanques, la Friche de l’Escalette offre une halte singulière. Ancienne usine corrodée par le sel et les ans, elle se transforme depuis 2016 en galerie, où l’art contemporain dialogue avec l’architecture industrielle.

C’est dans cet environnement brut que revient Gérard Traquandi. Ses céramiques baroques y avaient déjà trouvé leur place naturelle en 2021. Il revient à l’été 2025 avec un cycle de peintures qui racontent la lumière. De l’aube au crépuscule, ses toiles capturent les teintes d’un monde qu’on croit familier. Beus lavés, ocres assourdis, et violets du soir semblent absorbés dans la pierre même du site, en parfaite résonance avec la rudesse des jarres de terre qui accompagnent les toiles.

Jean Prouvé, Le Corbusier, Charlotte Perriand, Pierre Jeanneret… Ici, la scénographie abandonne résolument le « white cube » pour orchestrer une rencontre audacieuse entre l’art de Traquandi et le design d’architectes. Les objets de ces pionniers du XXe siècle (tables, chaises, cloisons, modules) deviennent sculptures. Il se dégage de cette cohabitation une poésie étrange, presque archéologique : celle d’un monde révolu où l’utile était aussi beau qu’essentiel. Cette mise en scène, pensée avec justesse par Éric et Elliot Touchaleaume, galeristes et passeurs d’histoire, prolonge une vision rare : celle d’un lieu où l’on restaure la mémoire sans nostalgie, en inventant une nouvelle façon de voir.

Gérard Traquandi, né à Marseille, familier de ces terres et de ces silences, s’inscrit avec évidence dans ce paysage époustouflant. À 73 ans, lui qui aime les abbayes, les pierres, les lieux traversés de forces anciennes, trouve à l’Escalette un écrin presque spirituel. Il ne peint pas la nature, il peint avec elle. Et ses œuvres, dans ce site exceptionnel, deviennent comme les échos d’un temps qui se suspend. L’exposition Traquandi est visible jusqu’au 31 août, sur réservation. Mais la Friche, désormais ouverte toute l’année aux professionnels sur rendez-vous, s’impose comme un repère discret mais essentiel dans la cartographie du design et de l’art contemporain. On n’y vient pas par hasard.

> Accéder au site de la Friche de l’escalette friche-escalette.com