L’énigme du sourire rare: Alexia Guggémos a mené l’enquête au cœur des musées du monde

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Alexia Guggémos, critique d’art et fondatrice du Musée du sourire, nous livre avec « Rares sourires : Enquête dans les musées du monde » (Édilivre) un ouvrage qui s’impose comme une exploration personnelle, bien au-delà de la simple histoire de l’art. Ce livre est la chronique d’une « quête » obsessionnelle : celle du « sourire vrai » dans les œuvres, celui qui « ne s’affiche pas: il surgit. Il fend le visible, il déjoue le langage. »

« Le sourire vrai, c’est la mise en abîme d’une émotion positive profonde », explique Alexia Guggémos. Le sourire dans l’art n’est pas un simple effet expressif, mais le sujet central. Elle traque son « surgissement. Le moment où il advient. Ni prévu ni répété ». Ce moment d’irruption, l’auteure le rapproche du concept grec de « kairós » : l’instant opportun, celui qui « bouleverse l’ordre du temps ». Le sourire devient alors « un frisson du sens. » L’enquête est une « traversée des cultures et des siècles » , qui mène l’auteure à sonder les cavernes de la préhistoire, interroger les sourires « gravés sur les visages des pharaons » en Égypte, avant de se perdre dans les fresques étrusques et d’aboutir aux sourires de pierre du Bayon à Angkor.

Le périple débute par une rencontre avec l’artiste Miquel Barceló, qui lui confie que la grotte ornée de Chauvet n’est pas un simple lieu préhistorique, mais « une prière gravée dans la pierre. C’est un opéra silencieux ». Si le premier sourire peint reste invisible aux parois, l’auteure explore plus loin la polémique des gravures de La Marche (Lussac-le-Château) soulevée par le photographe Frédéric Delangle. Ces visages du Magdalénien, aux expressions troublantes, pourraient cacher le « premier sourire gravé de l’histoire de l’art » datant de quinze mille ans.

« Rares sourires » est bien plus qu’une simple promenade muséale. C’est une méditation sur la persistance de l’émotion à travers les millénaires, une tentative de retrouver le « battement primordial ». À la manière du Chat du Cheshire de Lewis Carroll, qui s’efface pour ne laisser que son sourire suspendu dans l’air , l’auteure perçoit le sourire comme « une porte entrouverte », « une frontière qu’on franchit sans retour ». C’est un guide « insaisissable qui ne mène pas à une vérité unique, mais à un espace de métamorphoses ».

Ce livre est une invitation à reconsidérer notre regard sur l’art, car le sourire, « fragile et insaisissable », est, pour Alexia Guggémos, « l’un des gestes les plus justes de cette danse » qu’est l’art , prouvant qu’une « émotion pure traverse les siècles sans perdre sa chaleur. »

Antonella Eco

118 pages. 12,50 euros.
Sur toutes les plateformes et sur le site de l’éditeur EdiLivre.