Dan Colen frappe fort à Paris en cette année 2010. Le jeune prodige new-yorkais a investi la vitrine du concept store Colette, rue Saint-Honoré, avec une installation aussi directe que poétique : 30 Vélibs enchevêtrés, comme catapultés dans une scène d’émeute urbaine. L’œuvre, intitulée En grève, brouille les lignes entre sculpture contemporaine, happening politique et design de rue. Une création éphémère : ces vélos reprendront leur service habituel sur les pistes cyclables parisiennes.
Colen ne choisit pas ses matériaux au hasard. Depuis ses débuts, il explore les formes de la révolte et de l’abandon. On l’a vu peindre avec des chewing-gums mâchés, dresser des murs de graffitis copiés de ses amis disparus, ou faire voler des plumes et des fleurs dans des installations spectaculaires. En grève poursuit ce travail sur l’énergie collective, la tension, la suspension — ici dans une ville où la grève est autant un sport national qu’un cri social.
Formé à la prestigieuse Rhode Island School of Design, Colen s’est imposé dans la scène new-yorkaise au début des années 2000. Il partage alors son atelier avec Dash Snow, figure maudite de l’art underground, avec qui il forme un duo emblématique de la scène post-punk arty du Lower East Side. Très vite repéré pour son esthétique brute et narrative, il entre dans le giron de Larry Gagosian, galeriste star au flair redoutable, que ArtReview a désigné en 2025 comme la personnalité la plus influente du monde de l’art — pour la 19e fois en vingt ans. Gagosian n’a pas hésité à pousser Colen au-devant de la scène internationale, l’intégrant à des expositions majeures à Londres, Hong Kong, Bâle ou Los Angeles. Ce soutien vaut à l’artiste un statut à part : à la fois héritier du pop art et trublion du marché, capable de dialoguer avec l’histoire de l’art tout en collant à l’actualité sociale.
Avec En grève, Dan Colen signe à Paris une œuvre coup de poing, à la fois critique urbaine et ballet mécanique, exposée dans un lieu iconique du design et de la mode. Colette, qui fermera ses portes définitivement fin décembre 2017, lui offre une scène idéale pour dire l’urgence, l’épuisement et l’élan collectif. Une façon de mettre les freins — mais en beauté.
Très bon, et très bordélique…comme le résultat des grèves!L’idée était là.
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