Du 23 au 25 mai, la rive gauche à Paris devient le théâtre d’un itinéraire poétique : un parcours baptisé Un fil d’Ariane nommé sourire, imaginé pour la 12e édition du Paris Gallery Weekend. Pensé comme une respiration au cœur de l’effervescence artistique — 75 galeries participantes, plus de 150 artistes —, ce chemin propose de ralentir, de s’attarder, de suivre un fil invisible mais tenace : celui du sourire.
Ni emblème creux, ni motif d’agrément, le sourire ici est dense. Il traverse les œuvres comme une énergie souterraine. Il surgit là où on ne l’attend pas, dans une mosaïque pixelisée, une bouche de pierre sculptée il y a des siècles, un geste pictural généreux, une scène de rue dérobée. Présence silencieuse, résistance douce, mémoire transmise. Le sourire devient le cœur battant d’une autre manière de voir — et d’éprouver — l’art.
Conçu par Alexia Guggémos, l’ambassadrice invitée du Musée du sourire, ce parcours sensible propose une sélection de lieux et d’artistes où le sourire se donne à lire dans toutes ses nuances : ironique, joyeux, mystique, complice, parfois fragile. En creux, il dessine une cartographie affective de la rive gauche — de la rue de Seine au carrefour de l’Odéon, en passant par les cimaises du Musée du Luxembourg. Cette déambulation, loin d’un marathon d’expositions, invite à une forme de flânerie engagée, revendiquant une lecture sensible du monde, à hauteur d’émotion.
Au-delà des murs blancs des galeries, Un fil d’Ariane nommé sourire questionne : que reste-t-il du sourire dans une époque saturée d’images ? Que peut l’art pour le préserver — ou le réinventer ? Ce parcours n’apporte pas de réponse. Il propose une expérience. Une suspension. Un regard. Le parcours commence en force et en joie, se poursuit dehors, là où le verbe claque sur les murs. Le sourire devient ici un acte : un outil de lutte, de jeu, de mémoire.
• Musée du Luxembourg – Tous Léger
Dès l’entrée, La Danseuse bleue (1930) de Fernand Léger donne le ton. Sur son visage, un sourire discret, presque effacé, trace une ligne fragile entre modernité et mélancolie. Puis l’explosion : Karel Appel (Le Cycliste), Niki de Saint Phalle et ses créatures bondissantes. Le mouvement, la couleur, l’humour graphique — tout y pulse d’une joie physique. Un remède à la grisaille.
• Rue Férou – L’instant poésie
La poésie s’invite dans le parcours. Rue Férou, entre le jardin du Luxembourg et Saint-Sulpice, les vers du Bateau ivre d’Arthur Rimbaud s’affichent sur un mur. Gravés dans la pierre, ils résonnent autrement sous les pas du promeneur. Le poème est une ivresse, une fuite, un appel. Mais aussi un éclat fugitif de sourire, glissé au détour d’un vers dans Une saison en enfer.
« Je réclame ! une prière, un sourire, un regard, quelque chose de cher une fois, — et je monte au ciel, et j’étreins Dieu ! »
• Carrefour de l’Odéon – Jeux de rue
Ici, c’est un jeu d’observation. Une mosaïque d’Invader guette les passants au-dessus d’une porte : pixelisation du clin d’œil, détournement du quotidien. Plus loin, rue de l’Échaudé, le visage souriant de John Hamon, l’éternel candidat, nous rappelle que l’art, parfois, est simplement là — persistant, malicieux, imprévu.
• Galerie Zidoun & Bossuyt – Summer Wheat
Première exposition française pour l’Américaine Summer Wheat. Sa peinture, filtrée à travers une grille métallique, évoque le tissage, la répétition des gestes. Figures puissantes, féminines, pleines d’humour et de vitalité. Le sourire n’y est jamais figé : il circule, il vibre, il résiste.
Un kulap papou en calcaire blanc. L’émotion change de registre. Le sourire de cette figure sacrée de Nouvelle-Irlande, figé dans la pierre, semble à la fois protecteur, mystique, intemporel. Un sourire qui traverse les âges et les cultures, et qui invite à la contemplation, au silence. La sculpture a appartenu à Georges Goldfayn, assistant et ami d’André Breton.
Le sourire se révèle ainsi dans ses multiples nuances. Tendre, ironique, sacré, politique. Il glisse entre les œuvres, s’imprime sur les murs, s’insinue dans les regards. Il crée un lien invisible entre des gestes artistiques lointains et des émotions très présentes. Ce parcours Un fil d’Ariane nommé sourire n’impose rien : il invite. À s’arrêter. À regarder. À sourire. En toute liberté.
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