Le musée d’art moderne de Fontevraud s’enrichit d’une œuvre majeure : « L’Araignée I » (1946) de Germaine Richier, sculptrice essentielle de la scène française du XXe siècle. Cette acquisition, réalisée en 2025 grâce au fonds de dotation du musée, marque une étape symbolique dans l’histoire de cette institution abritée au cœur de l’abbaye royale.
La sculpture en bronze à patine noire, montée sur une base en bois, témoigne d’une bascule dans la pratique de Germaine Richier, première femme à exposer seule au pavillon français de la Biennale de Venise en 1954. À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, l’artiste entame une période d’intense création. Elle conçoit ses premiers hybrides (Le Crapaud, La Sauterelle, L’Homme-forêtà et explore les limites entre l’humain, l’animal et le végétal. « L’Araignée I », réalisée en 1946, appartient à ce cycle fécond et marque une rupture technique : pour la première fois, Germaine Richier intègre des fils à la sculpture.
Les fils de fer tendus entre les membres de l’arachnide, évoquent autant la toile de l’insecte que la tension du vivant. Ils structurent la figure, captent l’espace, le recomposent. Le poète Georges Limbour, proche de l’artiste, y voyait un « triangle » tendu entre les extrémités du corps, une forme presque idéale. L’artiste puise dans la matière brute et compose une œuvre à la frontière de la figuration et du mystère.
« L’Araignée I » ne rejoint pas la collection du musée par hasard : Germaine Richier figurait déjà parmi les artistes collectionnés par Marthe et Léon Sligman. Ce couple de mécènes éclairés, grands amateurs d’art moderne, a légué au musée un fonds remarquable, ainsi qu’un million d’euros destiné à l’enrichir. C’est dans cet esprit de continuité que le musée a pu faire l’acquisition de cette sculpture rare, fondue à l’époque par la maison Valsuani.
En intégrant « L’Araignée I », Fontevraud affirme la place des femmes dans l’histoire de l’art du XXe siècle et renforce un axe fort de sa collection : celui de la tension entre formes classiques et expérimentations modernes. Dans le silence des anciennes pierres, l’œuvre de Richier déploie ses fils comme autant de lignes de force reliant passé et présent, nature et humanité, matière et mémoire.