
Le roman Ta Promesse de Camille Laurens me saute aux yeux en tombant sur cette photographie de Patrick Swirc, où le féminin est menacé de perdre sa voix, par l’essence même de son genre.
Par Sylvie Hazebroucq
Dans son roman, Ta Promesse, l’autrice dépeint la nauséabonde manipulation d’un homme qui n’a qu’une obsession : prendre la parole (au sens quasiment clinique du terme) des femmes. En leur ôtant leur vie sociale, leur compte en banque, leur possibilité de s’exprimer librement, le personnage étouffe sa proie. Le cliché du photographe Patrick Swirc a cette délicatesse du féminin qui se voit néanmoins sur le point de perdre l’usage de la parole, censuré par des perles, symbole de beauté, parure sociale et néanmoins coupe-gorge, créant l’ambiguïté chère à l’autrice.
Il est question de respiration dans le livre comme dans la photo en écho. Le personnage féminin de Camille Laurens, est en apnée, passé de la passion amoureuse à la découverte d’une vérité à couper le souffle, littéralement, littérairement. Le mannequin de cette photographie est comme figé. Comment bouger enserré dans un étau, d’or et de perles soit-il ? Il semble que l’air ne parvient déjà plus à ce visage figé sous une glace imaginaire, un froid qui pétrifie, qui gèle le féminin et l’empêche de se mouvoir à sa guise, de dire.
Le regard est aussi en jeu. Entre les lignes de Ta Promesse, l’effroi se lit dans les yeux, quand les pulsations bloquent toute autre mouvement que ceux des pupilles, affolées, à la recherche d’une sortie de secours.
La photo tire sa force de ce regard, bleu sans transparence, maritime sans innocence, on se noie.
L’ambiance est aussi sombre côté cliché, photographique ou pas, on en perd tout repère, et la perception s’efface sans bruit dans un flou qui nous échappe, visuellement, intimement, réellement.
Le personnage du roman s’appelle Claire et il ne l’est pas aux yeux de la justice, son patronyme est celui d’une marque de luxe, d’apparat, de vitrine. Claire Lancel raconte le féminin accusé de violence par un jeu de retournement habile, la voilà menottée, le lien pourrait être en perles de culture, n’en déplaise à Camille Laurens qui fait de son héroïne une autrice également, ne jouons pas sur les mots, ou plutôt si, pour en éprouver leur limite.
Victime invisibilisée par des signes extérieurs trompeurs, la femme en photo ou en lettres, est mise en joue, en jeu, quand le réel est dupe. Attention à ce qui brille, que lit-on ? Que voit-on ? Que faisons-nous des apparences, en réalité ? Vaste question qui orne tout roman d’amour qui creuse l’échec sentimentale, marque de fabrique littéraire de Camille Laurens, maitresse dans l’art du saisissant et du poignant à la fois. Jusqu’à quel point pouvons-nous avaler des couleuvres (ou des perles ?) pour suffire notre besoin d’être aimé(e) ? Quelle somme pouvons-nous payer, quelle que soit la monnaie choisie, en bijoux, en temps, en baisers, en immobilier, que sais-je, pour aimer à s’en oublier et jusqu’a ce que mort s’en suive ? Le corps est en scène, il parle en silence, ici et dans le texte.
Qui peut se targuer de n’avoir jamais ressenti l’amour dans ses tripes, en bien ou en drame, au point d’en sentir ses serres ? C’est bien de cette tenaille dont il est question dans l’œuvre du photographe et dans le mouvement empêché de son modèle, nue sous son costume de scène, costume dont nous mettons tant d’années à nous défaire, quand il ne sait pas trouver l’amour dans son plus simple appareil.
La perle rare est celle qui vous emporte, à n’en pas douter, il s’agit bien du talent de Camille Laurens, dans Ta Promesse captivante, en tension comme on peut l’être dans un cliché de Patrick Swirc, le photographe incontournable des médias, oui, vraiment, que faisons-nous de notre image ?
> Tous les livres de Camille Laurens mollat.com
> Le compte Instagram de Patrick Swirc
Photographie Patrick Swirc
Le mannequin s’appelle Alexandrina Turcan
et la maquilleuse Carole Lasnier
Stylisme : Dominique Evêque
Coiffure : Vincent de Moro